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Les Pistolois en beau fusil 0 Ne touchez pas à ma rivière !
N° 214 - novembre 2002

Débat sur la prostitution
Vivian Barbot, Élaine Audet et Micheline Carrier
Personne n’a rien arraché à personne !

C’est avec grand étonnement, voire avec stupeur, que la Fédération des femmes du Québec prenait connaissance de cet article, écrit par deux femmes qui n’étaient pas présentes à notre assemblée générale du 22 septembre, et qui, à notre avis, reflète très mal la réalité.

En effet, à l’issue de la discussion sur la prostitution et le travail du sexe, plusieurs membres ont témoigné à l’assemblée de leur grande satisfaction d’avoir pu participer à un débat aussi déchirant dans le plus grand respect de tous les points de vue. Dire que le consensus sur la décriminalisation des pratiques exercées par les prostituées a été obtenu à l’arraché tient de la fabulation. Le vote était très majoritaire, puisqu’il ne s’agissait pas de légaliser la prostitution, un enjeux sur lequel l’assemblée à décidé de poursuivre sa réflexion, mais bien de protéger des femmes des discriminations et violences dont elles sont victimes. Demandez aux membres ! !

S’il est vrai que les femmes qui défendent les droits des travailleuses du sexe et qui exercent ce métier ont donné leur point de vue sans ambages et ont témoigné de la difficulté de vivre certaines situations, notamment de violence, de harcèlement policier, etc., sachez que toutes les personnes qui ont voulu s’exprimer sur le sujet ont également été entendues, sans aucune intimidation de la part de nos membres. Les membres ont ainsi voté après avoir entendu autant d’arguments en faveur que contre la décriminalisation des pratiques exercées par les prostituées et travailleuses du sexe. En outre vos affirmations selon lesquelles nos membres n’étaient pas préparées au débat sont totalement erronées puisqu’elles ont toutes été invitées à participer à la tournée québécoise sur le travail du sexe et la prostitution l’année précédente et ont pu suivre de près les travaux du comité de réflexion sur la prostitution et le travail du sexe par le biais de nos publications.

Cette tournée de formation/débat sur la question, où bon nombre de nos membres ont été rencontrées, visait à donner un aperçu de la situation actuelle de la prostitution et de toute autre forme de travail du sexe, puis de discuter, en fonction des différentes perspectives, des enjeux, tenants et aboutissants de la problématique. Pour plusieurs, il s’agissait d’une première réflexion, et le but n’était nullement de prendre une position ferme mais bien de faire avancer la pensée des militantes sur le sujet, dans un sens ou dans l’autre. Les participantes se sont d’ailleurs montrées extrêmement satisfaites, autant de l’exercice en soi que de l’impartialité de l’animatrice. Elles ont aussi manifesté un désir certain de poursuivre la réflexion.

Le climat du débat sur la prostitution et le travail du sexe au Québec, très animé et émotif, rappellera à certaines et à certains celui qui prévalait au moment où les lesbiennes revendiquaient que le mouvement des femmes les entende et les appuie. À cette époque aussi, on a accusé ces groupes de femmes de mener un lobby indu et d’intimider les membres par le seul fait de dire haut et fort qu’elles étaient lesbiennes et qu’elles vivaient des discriminations.

Autre chose 0 si les propositions comme telles ne sont pas disponibles sur notre site Web, c’est simplement que le procès-verbal de l’AG (qui contient ces propositions) ne sera adopté qu’à l’assemblée des membres en juin 2003 (comme à tous les ans), et que seules les propositions ainsi entérinées sont de nature publique. Cependant, toutes les membres en recevront copie dans le prochain bulletin interne de la FFQ, comme à l’habitude.

La Fédération est consciente que la décision de ses membres de ne pas prendre position pour ou contre la prostitution ne plaît pas à toutes et à tous, qu’on soit abolitionniste ou non. Mais la démocratie en a décidé ainsi et la FFQ respectera la voix de ses membres.

Enfin, nous nous interrogeons sur l’origine de vos sources puisque personne à la FFQ n’a été contactée pour répondre à vos questions, et que ni l’une ni l’autre des auteures n’était présente lors du débat.

Vivian Barbot, présidente de la FFQ, 17 octobre 2002

Les opinions diffèrent

18 octobre 2002,

Extraits de la réponse d’Élaine Audet et Micheline Carrier à Vivian Barbot

(…)

Rien ne nous empêchait, cependant, de mener notre propre enquête sur le déroulement de cette assemblée. Nous n’avions pas à privilégier la seule opinion officielle qui s’est exprimée par voie de communiqué. Les personnes qui nous ont donné les renseignements à la base de notre article sont membres de la FFQ. Certaines ont participé à tout le processus de réflexion sur le sujet, et toutes étaient présentes à l’AGA. Manifestement, elles ont eu du déroulement des débats une perception quelque peu différente de ce qui ressortait du communiqué émis par la FFQ au lendemain de cette rencontre. Le contexte même des débats, qu’elles ont décrit, justifie qu’elles aient réclamé l’anonymat, ce qui n’invalide en rien leurs témoignages.

(…)

Ce n’est pas « le consensus sur la décriminalisation des pratiques exercées par les prostituées » qui a été obtenu à l’arraché, mais la formulation de « travailleuses du sexe », qui indique la reconnaissance de la prostitution comme un moyen économique de gagner sa vie, plutôt qu’une mise en marché des femmes par des proxénètes pour des acheteurs-consommateurs, avec tout ce que cela implique quant au respect de la liberté et de l’autonomie des femmes (comme certains groupes le pensent). Nous approuvons la décriminalisation des femmes prostituées. Élaine Audet a écrit son appui sur cet aspect de la question à Michèle Busque et à Nicole Nepton, de Stella, ainsi que dans son article « Droits des femmes ou droit aux femmes ». Micheline Carrier a pris la même position dans son article « Bientôt des proxénètes et des bordels subventionnés ? » On peut lire ces deux textes sur le site.

On peut questionner le fait que la plus importante organisation de femmes au Québec ne discute pas du problème fondamental lié à la prostitution, à savoir le rôle des proxénètes et des clients dans la mise en marché du corps et de la sexualité des femmes. Le statu quo à cet égard annonce-t-il une concession aux groupes qui réclament la décriminalisation des clients et des proxénètes ? Comment peut-on vouloir protéger les femmes dans la prostitution sans aborder ce volet de la question ? Comment peut-on voter des résolutions pour protéger les femmes prostituées contre diverses formes de violence sans une analyse des causes de la prostitution et de ses conséquences pour l’ensemble des femmes ? Sans débattre du fait que la prostitution est en soi une forme de violence ? L’assemblée et la tournée de formation ont peut-être fait cette analyse, mais cela ne ressort pas dans le communiqué de la FFQ, ni dans le rapport de Françoise David.

(…)

Demander la décriminalisation et la protection contre les violences pour les femmes engagées dans « l’industrie du sexe » est une chose. C’en est une autre de chercher à imposer la reconnaissance de la prostitution comme une activité légitime pour atteindre l’autonomie économique, ainsi que le proxénétisme comme un entrepreneurship légitime, quand en réalité un très grand nombre de femmes considèrent qu’il s’agit plutôt d’une forme d’exploitation, voire d’esclavage.

Lire le texte intégral à 0 http0//sisyphe.levillage.org/article.php3?id_article=128

Ajout de Vivian Barbot à sa réponse

Il nous semble enfin important de remettre les choses en perspective 0 l’enjeu principal de cette assemblée n’était pas de se demander s’il fallait garder les deux appellations « prostituées/travailleuses du sexe" »mais bien de se prononcer sur des résolutions du C.A. On a gardé les deux appellations, non par consensus, d’ailleurs, mais par un vote majoritaire qui signifiait tout simplement que les débats n’étaient pas terminés. Le plus important a été l’adoption des résolutions qui avaient pour but de lutter contre la violence et la discriminalisation envers les prostituées. Et surtout, celle qui portait sur la décriminalisation de la sollicitation exercée par les prostituées/travailleuses du sexe. La plupart des mouvements féministes a travers le monde ont déjà adopté cette position, il était temps que le Québec les rejoigne ! ! !

Nouvelle pièce à verser au débat sur la prostitution

Des failles dans le processus de réflexion amorcé au sein de la FFQ

Lettre ouverte aux membres du C.A. de la FFQ

MARDI 22 OCTOBRE 2002

Yolande Geadah

Chercheuse connue, auteure d’un essai sur la prostitution à paraître prochainement chez VLB, Yolande Geadah, qui a participé à l’AGA et au débat depuis le début, démontre que le processus de réflexion de la FFQ sur la prostitution a comporté des failles à toutes ses étapes, de 1999 jusqu’à l’AGA de septembre dernier. Elle conclut que ce processus a favorisé la position pro-prostitution au détriment de celle qui refuse de voir dans la prostitution un travail comme un autre.

Pour lire ce texte, consulter le site Sisyphe 0 http0//sisyphe.levillage.org/article.php3?id_article=165

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